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Monflanquin : le «sauve-qui-peut» de la défense

Monflanquin : le «sauve-qui-peut» de la défense

Publié le : 05/10/2012 05 octobre oct. 10 2012

Pour éviter les dix ans de prison à son client accusé d’avoir spolié  les Védrines, Me Novion a tenté de lui donner un visage plus humain.

C’est une sorte d’exploit: en deux heures de plaidoiries pour Thierry Tilly, Me Alexandre Novion ne prononce ni «compte en banque» ni «millions d’euros». À la place, il cite Barthes, Hugo (deux fois), Chateaubriand, Freud, Paul Valéry, Céline, Cervantès, La Fontaine, Robespierre ou Montesquieu. Pourtant, son client n’est pas accusé d’avoir volé des livres à la Bibliothèque nationale, mais d’avoir dépouillé une famille, les Védrines, ex-châtelains de Monflanquin (Lot-et-Garonne), de tous ses biens. Soit un butin estimé à 4,6 millions d’euros, sans compter les meubles, bijoux et autres objets de valeur.

Le procureur a requis jeudi la peine maximale: dix ans de prison – «une condamnation à ras bord», selon la défense. L’avocat plaide la clémence en se tenant soigneusement à l’écart des faits. Il ne parle que de la personnalité de son client, qu’il appelle avec bienveillance «ce garçon» et dont il laisse entendre qu’il est complètement dérangé. Selon lui, «ce garçon» n’a exercé aucune emprise mentale sur les Védrines, contrairement à ce que soutient Daniel Zagury, aimablement qualifié de «funambule» de l’expertise – délaissant les faits au profit de la personnalité, l’avocat combat davantage le psychiatre que le procureur, ce qui est inhabituel. À l’en croire, Ghislaine de Védrines est, dans le désastre, responsable d’une «coparticipation oh, certainement bien involontaire», puisque c’est elle qui a introduit M. Tilly dans sa famille.

«Il n’y a pas plus de gourou que de cactus au pôle Nord»

Quand il ne cite pas les bons auteurs, Me Novion fait du Novion, avec un sens de la formule très original. Ainsi de son client, dont les lectures de l’enfance auraient envahi le cerveau «comme un cratère se remplit d’un bouillon impétueux de l’âme». Combattant l’idée que M. Tilly a toute sa tête et martelant qu’il n’est pas le seul responsable de la ruine des Védrines, il s’en prend, pour une fois, au procureur: «Vous voulez le juger comme responsable de tout, alors que de puissants courants ont œuvré pour que la nef de la perdition arrive là où elle est arrivée.» Parmi ces méchants courants, Jacques Gonzalez, coprévenu valide au moment des faits mais à présent amputé des deux jambes. Pour Me Novion, «le marionnettiste», c’est lui: «il a le physique de la réalité. Je vois la torche de la concupiscence éclairer son visage». «Il n’y a pas plus de gourou que de cactus au pôle Nord dans ce dossier», poursuit Me Novion comme s’il cherchait à présent une citation de Paul-Émile Victor. Et d’en appeler à la «générosité du tribunal, qui n’est pas l’ennemie de la justice».

Désigné très tardivement, en juillet dernier, par un client difficile à contenir, Me Novion a réussi un réel exploit: parler de Thierry Tilly avec affection, et sans doute justesse en ce qui concerne la part tourmentée de son être, ce qui n’était jamais arrivé depuis l’ouverture du procès. Il lui a rendu la dimension à la fois humaine et pathétique que ses tartarinades avaient gommée. «Je n’ai rien à ajouter», déclare le prévenu à l’issue de la plaidoirie. Et ce silence soudain, après un déluge de mots qui étaient autant de masques, fait, enfin, deviner le pleur intime de l’escroc mis à nu. Jugement le 13 novembre.

Source : Le Figaro du 05/10/12

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