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Emprise psychologique dans le cadre des violences intrafamiliales au sein du couple

Emprise psychologique dans le cadre des violences intrafamiliales au sein du couple

Auteur : Daniel Picotin
Publié le : 04/11/2020 04 novembre nov. 11 2020

S’il est beaucoup question des violences faites aux femmes parfois même de « féminicide », un phénomène assez courant et souvent mal compris de la justice concerne l’emprise psychologique subie par des femmes violentées (cela peut toucher inversement 5 % de ces hommes).

Paralysées psychologiquement elles ne sont pas capables d’échapper à leur carcan et donnent l’impression de rester passivement auprès de leur bourreau ou harceleur.

Mais il faut distinguer la manipulation de l’emprise mentale qui paralyse la victime dans un projet de destruction où l’auteur agit pour une satisfaction, une jouissance personnelle et utilise des techniques de manipulation mentale. La manipulation quant à elle n’a pas pour objet la jouissance de l’auteur mais un intérêt personnel, comme la dissimulation d’un mensonge, d’un adultère, etc…

Aussi, toutes femmes victimes de violences conjugales ne se trouvent pas nécessairement dans une relation d’emprise. En effet, certaines relations conjugales s’inscrivent dans une relation pathologique d’un autre ordre. Plusieurs hypothèses sont donc possibles. Il faut donc déterminer quelles techniques conduisent à ce que la relation soit empreinte de violences pour déterminer ensuite quelles réponses peuvent y être apportées.

Notre Cabinet a eu l’occasion de s’intéresser particulièrement à cette problématique et     Maître Daniel PICOTIN assure une formation auprès de ses confrères dans différents centres de formation continue des avocats sur ce sujet délicat.

Une importante littérature s’est développée récemment, permettant de mieux comprendre ce type de mécanisme, à cet égard nous renvoyons à la bibliographie accessible sur notre site internet, bibliographie où vous pouvez trouver plusieurs thématiques avec des auteurs qui confrontent leurs thèses. 

Ainsi, pour comprendre et échapper à ces situations, encore faut-il comprendre de quel mécanisme il s’agit et dans l’hypothèse où il s’agit bien d’emprise mentale, en quoi correspond ce mécanisme particulier.

Il faut que la personne victime, aidée par un thérapeute spécialisé, prenne conscience du système d’accrochage entre le conjoint manipulateur et elle, qu’est-ce qui résonne chez la victime transformant la relation en rencontre pathologique, le cas échéant ? Il peut être particulièrement intéressant de solliciter dès le début du dossier les services d’un expert psychologue ou d’un médecin expert compétent dans ce domaine pour évaluer la situation.

Vis-à-vis des individus violents il faut arriver à qualifier et à prouver si possible à qui la victime est confrontée : 
  • psychopathe, 
  • individu borderline, 
  • pervers narcissique,
  • personnalité obsessionnelle,
  • personnalité paranoïaque.
La difficulté majeure est qu’il n’est pas possible de « qualifier » à distance, c’est-à-dire sans que l’expert ait reçu le conjoint et de prouver ainsi la structure de la personnalité.

Par ailleurs, il ne faut pas considérer par effet de « mode » que tout divorce difficile est lié à la présence d’un « pervers narcissique » qui reste un diagnostic médical à poser.

Une autre des difficultés de ce type de dossiers réside dans le lien paradoxal entre l’auteur et la victime, cette dernière n’arrivant pas à se détacher des liens avec son conjoint. Il y a très souvent une inversion de culpabilité qui conduit à ce que la victime ne réagisse pas ou même cautionne certains comportements déviants de l’auteur.

Les seules connaissances juridiques ne vont pas permettre de donner à la victime les moyens de se battre sans une approche d’un professionnel de la psychologie.

Dans ce type de dossiers, nous n’avons pas à faire à un divorce ordinaire mais à une procédure à laquelle des personnes non averties peuvent passer complètement à côté du dossier et ce jusqu’à l’erreur judiciaire parfois.

Cette procédure doit donc être préparée scrupuleusement, d’une part pour donner confiance à la victime, d’autre part pour se ménager les moyens de preuves qui doivent être préparés et mis à l’abri ; l’aide psychothérapeutique doit permettre non seulement de l’aider à décrocher mais aussi à éviter les retours en arrière.

Il est souvent nécessaire que la victime soit soutenue et accompagnée par des membres de la famille ayant pris conscience de la situation, de son côté l’avocat devra arrêter une véritable stratégie, tant au niveau du calendrier que des moyens pratiques puisque le divorce ou la séparation constituent parfois aussi une « évasion ».

L’avocat devra également avoir une attention particulière vis-à-vis du sort des enfants qui vont devenir un enjeu de la séparation.

On peut assister dans ce type de dossiers à l’existence d’un syndrome d’aliénation parentale, sujet controversé qui pourtant peut être bien réel ; les travaux du Docteur Paul BENSUSSAN permettent de mieux comprendre ce phénomène qui comporte divers degrés. 

Notre expérience montre malheureusement que la justice a les plus grandes difficultés à appréhender cette situation d’aliénation.

Bien évidemment si l’enfant est entendu par le Magistrat, dès lors qu’on considère qu’il a « l’âge de raison », le résultat ne pourra qu’être contre performant, seule une fine expertise psychologique permet de tenter de détricoter le piège dans lequel sont placés les enfants.

Mais là encore, tous les enfants rencontrant des difficultés avec l’un des parents n’est pas nécessairement victime d’aliénation parentale. Il appartient donc aux professionnels particulièrement compétents sur ces sujets, de déterminer si tels est le cas.

On pourrait être amené à saisir le Juge des enfants dès lors que l’on peut considérer cette situation dangereuse pour l’équilibre des mineurs (article 375 du Code Civil).

Néanmoins là-encore, l’expérience prouve les difficultés de mise en place des Actions Educatives en Milieu Ouvert (AEMO) ou des mesures judiciaires d’investigation éducative (MJIE), cependant, il faut tout tenter et le plus rapidement possible.

Un texte spécifique de 2010, complété par la Loi du 4 août 2014 a institué une « ordonnance de protection » pour une durée de 6 mois sur requête relative à l’exercice de l’autorité parentale, l’intérêt porte notamment sur le maintien de la victime des violences dans le logement du couple, même pour les couples non mariés, l’utilisation éventuelle d’un téléphone grave danger (TGD).

Le Juge délivrera l’ordonnance s’il estime, au vu des éléments produits devant lui et contradictoirement débattus, qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblable la commission des faits de violence allégués, et de danger auquel la victime et les enfants sont exposés.

De la même manière il ne faut pas hésiter à utiliser les outils de droit pénal en faisant constater les violences physiques, mais également morales, au risque de se heurter bien évidemment aux problèmes de preuves mais l’on peut tenter d’utiliser les lois sur le harcèlement moral, le harcèlement sexuel, l’abus de faiblesse, etc.

Daniel Picotin, avocat

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