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Sud Ouest : « Védrines : le débat télévisé sur la manipulation ravive les plaies »

Sud Ouest : « Védrines : le débat télévisé sur la manipulation ravive les plaies »

Publié le : 15/04/2016 15 avril avr. 04 2016

Le débat qui a suivi sur France 3 le téléfilm évoquant leur histoire a choqué certains membres de la famille Védrines.

Le 5 avril dernier, « Diabolique », la fiction inspirée de l’affaire des reclus de Monflanquin, a réuni plus de 3 millions de téléspectateurs sur France 3. Il s’en est fallu de peu pour que ce téléfilm réalise la meilleure audience de la soirée. Confrontée à la rude concurrence du magazine « Cash Investigation » consacré au scandale des « Panama Papers », l’œuvre réalisée par Gabriel Aghion et produite par Pascale Breugnot a remarquablement tiré son épingle du jeu.

L’histoire incroyable des Védrines passionne toujours. Cette famille d’aristocrates bordelais a été ruinée par un gourou, Thierry Tilly, qui, de Monflanquin à Londres, a enfermé 11 de ses membres pendant huit ans dans une prison mentale.

Les intéressés, qui s’attendaient au pire, ont été plutôt soulagés devant leur petit écran. « C’est une œuvre de qualité, avec de bons acteurs », admet le gynécologue Charles-Henri de Védrines, qui a renoué avec son métier. En revanche, tout comme sa femme, Christine, il ne décolère pas contre France 3 (1).

Après le film, la chaîne a en effet programmé un débat sur la manipulation mentale sous le regard de Thierry Tilly, dont la photo apparaissait en arrière-plan. « La présentatrice a isolé des séquences, puis elle est revenue sur notre histoire. Ce qui était fiction est devenu réalité. Les gens ont compris que mon père était frappé de démence. Ce qui n’a jamais été le cas. Ou que nous avions laissé mourir ma belle-mère seule dans une pièce à Londres, alors qu’elle s’est éteinte entre ses deux fils. C’est dégueulasse », s’indigne Christine de Védrines.

Une famille divisée

En 2009, après avoir été séquestrée plusieurs semaines dans une pièce à Oxford et soumise au supplice du tabouret pour avouer l’existence d’un improbable trésor, Christine de Védrines a retrouvé son libre arbitre et s’est enfuie. Sans sa plainte déposée à Bordeaux, le gourou n’aurait sans doute jamais été arrêté. Aucune victime ne s’étant alors constituée partie civile, le juge d’instruction s’apprêtait à refermer le dossier.

Le réalisateur de « Diabolique » passe pratiquement sous silence cet épisode. C’est sa liberté. Le scénario s’inspire du livre de Ghislaine de Védrines et de son mari, Jean Marchand. La première, qui dirigeait à Paris une école de secrétariat, a introduit Thierry Tilly dans la famille. Le second, banni par son épouse et par la fratrie à la demande du gourou, a remué ciel et terre pendant des années pour sensibiliser justice et médias au drame qui se jouait.

Les uns et les autres ont retrouvé leurs esprits. Mais rien ne sera plus jamais comme avant. Les frères Védrines ne parlent plus à leur sœur, et réciproquement. Les récits du drame qu’ils ont vécu ne se confondent pas.

Finir sur une manipulation

Animé par Carole Gaessler, le débat ayant suivi la diffusion est resté taisant sur la façon dont les huit derniers reclus ont rompu leur camisole psychologique. « À quoi cela sert-il de faire un bon film sur la manipulation mentale pour terminer sur une manipulation ? » déplore Me Daniel Picotin, le conseil de Charles-Henri et Christine de Védrines.

Le 11 décembre 2009, ce ne sont pas des « bobbies » (policiers britanniques) comme ceux que l’on voit dans le film qui ont frappé à la porte de la maison d’Oxford, mais une psychologue. Elle est restée seule, pendant onze heures, à parler avec chacun des membres de la famille.

« En trente secondes, j’ai ouvert les yeux, alors que j’étais un zombie depuis des années. Le réveil est un peu le même que celui qu’on éprouve après une anesthésie », explique Charles-Henri de Védrines. Le médecin ne tarit pas d’éloges sur « l’exit counseling », cette méthode importée des États-Unis par Me Daniel Picotin pour aider les victimes d’une emprise mentale à rompre leur enfermement.

Une thérapie par la parole

L’équipe formée par cet ancien député centriste engagé de longue date dans la lutte contre les sectes réunit un enquêteur, deux psychologues et une psychanalyste. Le premier rencontre des proches et compile toutes les informations sur les victimes, leur passé, leurs fragilités, leur place dans le tissu familial. Les seconds cherchent les encoches, traquent les images qui permettront au moi enfoui sous les mensonges de resurgir lorsqu’ils iront au contact des personnes sous emprise pour les exfiltrer.

Cette thérapie par les mots, ces techniques pratiquées en marge du processus judiciaire ne font pas toujours l’unanimité. Mais elles peuvent être efficaces.

« Il suffit que quelque chose fasse écho, que l’intelligence ne soit plus en jachère pour que l’on se dessille », insiste Charles-Henri de Védrines, même si, ensuite, « recoller les morceaux » prend du temps, beaucoup de temps.

(1) France 3 n’a pas répondu à nos sollicitations.

Source : Sud Ouest du 15/04/16

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