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« Reclus de Monflanquin » : Le monde selon Thierry Tilly

« Reclus de Monflanquin » : Le monde selon Thierry Tilly

Publié le : 06/10/2012 06 octobre oct. 10 2012

Le procès s’est achevé hier par la plaidoirie de l’avocat de Thierry Tilly, qui conteste la thèse de la manipulation mentale.

La veille, le procureur Pierre Bellet avait assuré publiquement les victimes de son empathie. Tout au long du procès, la présidente, Marie-Élisabeth Bancal, a multiplié les attentions à leur égard. Au moment où il se lève pour tenter de sauver ce qui peut l’être, Me Alexandre Novion, le défenseur de Thierry Tilly, se sait sur le fil du rasoir. En usant de mille précautions oratoires, il a déjà titillé les membres de la famille Védrines. Une fois encore, en les regardant dans les yeux, l’avocat leur répète qu’il n’est pas leur ennemi : « Je suis persuadé que vous avez souffert dans cette épreuve. » Mais une question manifestement le taraude : n’ont-ils pas une part de responsabilité dans ce qui leur arrive ?

Se méfier des experts

« Je ne crois pas à la thèse de la manipulation mentale, s’exclame Me Novion. Thierry Tilly ne dissimulait pas sa personnalité. Ces gens-là avaient toutes les qualités pour que le bon sens soit près de chez eux. » Le diagnostic d’emprise psychologique a été pourtant magistralement posé par l’expert psychiatre Daniel Zagury. « Il les a examinés tous ensemble. Ce qui lui a permis de lisser ses observations, rétorque l’avocat. Comme ils disent tous la même chose et comme ils sont nombreux, ils ont forcément raison. N’oublions pas que les experts sont à l’origine de tous les fiascos judiciaires ! »

Me Novion s’attarde sur le rôle de Ghislaine de Védrines, celle qui a introduit Thierry Tilly dans la famille en le parant de bien des vertus. Il évoque aussi l’enthousiasme de ses deux frères, Philippe et Charles-Henri. « À Bordeaux, il n’est pas facile d’être admis dans la haute société protestante. » Comment expliquer la fascination des Védrines pour ce personnage ? Le mystère reste aussi épais qu’un banc de brouillard dans la vallée de la Dordogne. « Pourquoi les procédés utilisés par Thierry Tilly ont-ils été efficaces ? On ne pourra jamais répondre à cette question », avouait jeudi le procureur Pierre Bellet lors de ses réquisitions.

Dossier esquivé

Pendant les deux heures de plaidoirie de Me Novion, il n’est jamais question d’argent, ni du patrimoine envolé des aristocrates. Esquivées aussi, les scènes sordides qui accablent son client : le vol des poèmes des enfants, les pourboires de Guillaume confisqués quand il était barman en Angleterre, le supplice de Christine de Védrines, obligée de rester assise des jours et des jours sur un tabouret dans l’espoir qu’elle révélerait les coordonnées d’un compte bancaire qui n’existait pas…

Plutôt que d’affronter le dossier, Me Novion préfère l’expliquer, avec un certain bonheur, par la personnalité du prévenu. Enfant, il dévorait des romans historiques et s’est fait happer par le souffle des légendes et des récits qui enflammaient son imagination. Au point de sortir du réel. « Avec lui, on est vingt mille lieues sous les mers du rationnel. Beaucoup de choses ont échappé à sa conscience. Si vous lui dites qu’on a marché sur la Lune en 1969, il vous dira qu’il y a ramassé des cailloux bien avant Aldrin. »

Sa manie de tout transformer en conflit et de voir des ennemis partout relève certes de la névrose. Mais hors de question pour son conseil d’adhérer au portrait crépusculaire dressé par l’un des avocats des parties civiles, Me Daniel Picotin. En 2009, ce dernier, président par ailleurs d’Infosectes Aquitaine, avait mené une opération commando en Angleterre au lendemain de l’arrestation de Thierry Tilly. Il avait ramené en France des membres de la famille Védrines qui vivaient encore reclus. « On m’a supplié de ne pas donner le nom des thérapeutes qui l’accompagnaient. Elles avaient des pièces du dossier d’instruction. Cette façon d’aller au-devant de gens qui n’étaient alors que des témoins et de réaliser des expertises de contrebande est scandaleuse », fulmine Me Novion.

À l’époque, si Thierry Tilly avait eu un avocat, il aurait probablement pu faire annuler des pans entiers de la procédure. Aujourd’hui, son défenseur espère que le 13 novembre prochain, au moment de son délibéré, le tribunal en tirera argument pour réduire sensiblement les dix ans de prison requis contre lui.

Source : Sud Ouest du 06/10/12

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