Thierry Tilly a procédé tel un «psychanalyste dévoyé»
Publié le :
03/10/2012
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Dans sa déposition, l’expert psychiatre Daniel Zagury a affirmé mardi que les Védrines sont des gens «normaux», ni fous ni adeptes de l’occultisme.
Et si Thierry Tilly avait réussi à faire – d’une manière très singulière – ce à quoi échouaient les Védrines? Et si ce surdoué de la manipulation était parvenu, pendant une dizaine d’années, à fédérer une famille à la fois dépositaire d’un encombrant passé et angoissée par l’avenir à l’heure des successions patrimoniales, à passer outre les querelles intestines pour constituer un clan soudé? Ceci pourrait expliquer pourquoi il a, selon l’accusation, mis sous sa coupe une aristocrate presque nonagénaire, ses trois enfants et les enfants de ces derniers: pendant une décennie, il leur a offert ce qui leur manquait, l’unité. Mais à quel prix!
Telle est l’hypothèse qui pourrait être formulée après la déposition lumineuse de l’expert psychiatre Daniel Zagury. Il a rencontré les dix membres de la famille – Guillemette, l’aïeule, est décédée en 2010 à 97 ans – constitués partie civile contre M. Tilly et celui qu’il présentait comme son «patron», Jacques Gonzalez. Le Dr Zagury est l’un des rares experts psychiatres qui parlent un français compréhensible et enrichissent leur rapport écrit en répondant aux questions des tribunaux sans relire un passage de leur précieuse prose. Selon lui, les Védrines sont des gens «normaux», ils ne sont ni fous ni adeptes de l’occultisme. M. Tilly n’est pas un mage qui manierait les «forces obscures», parvenant à ses fins à grands renforts d’«abracadabras». Non, la stupéfiante affaire des reclus du château de Monflanquin peut être décryptée par le biais de mécanismes psychiques identifiés.
Pour le Dr Zagury, qui se fonde sur les déclarations de ses dix interlocuteurs, M. Tilly a procédé comme un «psychanalyste dévoyé»: engrangeant d’abord les confidences de Ghislaine de Védrines, puis celles de ses frères, enfants, nièces et neveux, il s’est trouvé en mesure de maîtriser toutes les frustrations et non-dits de cette famille de la noblesse protestante qui trouvait enfin une oreille attentive. Agissant comme dans un «abus de transfert», il a alors monté les uns contre les autres, démiurge incontesté et terrifiant plongeant ses proies dans une régression infantile totale pour mieux les dévaliser. «Les Védrines ne sont pas devenus bêtes d’un coup, note le psychiatre, mais leur intelligence a été mise en jachère.» Et de lister une série de techniques propres aux escrocs et, d’après les récits de ses dupes, utilisées par M. Tilly. «Discours sur mesure et non pas prêt-à-porter» pour chacun des membres de la famille; instauration d’une paranoïa de groupe, les Védrines étant maintenus dans une mentalité d’assiégés, eux seuls contre le monde entier; liens intimes brisés, d’où les divorces procès, et fâcheries à géométrie variable orchestrées par le marionnettiste au gré de ses besoins; destruction du narcissisme de chacun, ce qui pousse Amaury de Védrines à constater que «Thierry Tilly avait atteint notre sentiment d’existence».
Un manipulateur hors du commun
À en croire l’expert, le prévenu dispose de capacités de manipulation hors du commun, ce qui en fait le champion du monde toutes catégories de l’«escroquerie relationnelle». De sorte que, lorsque ses victimes ont enfin ouvert les yeux, leur prise de conscience a été «très violente psychiquement». À cet instant, le mortier confectionné par M. Tilly est tombé en poussière, et la famille, ruinée, harassée, humiliée, est apparue encore plus désunie qu’avant l’invasion de Monflanquin par le démon pervers. «Je sais qu’il y a maintenant une coupure entre Ghislaine, ses enfants, et les autres, confirme le Dr Zagury. Elle a conscience d’être considérée comme le cheval de Troie».
Invité à donner son opinion, M. Tilly se retranche dans le mépris: «Les élucubrations de certains experts n’engagent que leur propre bêtise.» Puis il livre une anecdote: «Lorsque le Dr Coutanceau (le psychiatre qui l’a expertisé avec le Dr Bornstein, NDLR) est venu me voir en prison, il avait une moustache qu’il a posée sur la table. Il l’a remise en partant.» Le prévenu – pleinement responsable de ses actes selon les experts – joue peut-être les zinzins pour tenter de manipuler le tribunal. À voir la présidente et ses deux assesseures, il est cependant peu probable que ses juges lui confient leurs économies.
Source : Le Figaro du 03/10/12
Historique
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