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Le Figaro : Monflanquin : comment le loup est entré dans la bergerie

Publié le : 26/09/2012 26 septembre sept. 09 2012

C’est l’avocat Vincent David qui a présenté Thierry Tilly à la famille qu’il est aujourd’hui accusé d’avoir dépouillée. Il a témoigné mercredi devant le tribunal de Bordeaux.

Voici donc celui qui a présenté Thierry Tilly à la famille de Védrines: Vincent David, 68 ans, est avocat. Il se présente devant le tribunal de Bordeaux vêtu d’un costume gris rayé. Chauve et souriant, intonations de titi parisien, il fait un peu penser au comédien André Pousse.

Me David est tout de même dans ses petits souliers. Car il apparaît – pour peu que M. Tilly soit déclaré coupable d’avoir spolié les Védrines – comme l’homme qui a fait entrer le loup dans la bergerie. C’était à la fin des années 1990. L’école de secrétariat parisienne dans laquelle sa fille était scolarisée, rue de Lille, était en perdition. Avec Ghislaine de Védrines et d’autres parents d’élèves, il imagine un plan de reprise. Une fois celui-ci accepté, il faut quelqu’un pour rénover les locaux et le parc informatique: ce sera Thierry Tilly, qui pénètre ainsi dans le Graal par l’escalier de service.

Il a été présenté à Vincent David en 1992, par un ami d’enfance. L’avocat se charge depuis de ses «nombreuses sociétés bancales» et finit par tisser des liens amicaux avec ce client qui n’a pas un sou pour le payer. Au fur et à mesure de sa déposition, il semble qu’il ait été, lui aussi, embobiné par M. Tilly. «Avec le recul, soupire-t-il, je me dis que son seul objectif était de viser une famille riche et de vivre de son capital. Il est brillant, mais utilise ses facultés intellectuelles de façon abjecte: c’est de l’abus de confiance. Au départ, il fait preuve de doigté, puis il place les gens dans une sorte de sujétion.»

Me Vincent est bien placé pour savoir que cet étrange client ne vit pas de ses sociétés, puisqu’elles sont toutes au bord de la liquidation judiciaire. Mais l’entrepreneur médiocre lui explique qu’il a des bureaux près des Invalides et un «patron» qu’il va bientôt rencontrer. Las, le rendez-vous est, chaque fois, annulé. Me David ne sait toujours pas quel était le métier de Thierry Tilly. D’une crédulité étonnante, ce professionnel du droit se laisse par ailleurs embringuer dans un projet immobilier en Maurienne – il ne verra jamais l’appartement à la montagne que lui faisait miroiter Thierry Tilly en échange des honoraires non payés. En 2001-2002, il assiste au déménagement précipité de la compagne de Philippe de Védrines, laquelle quitte nuitamment la région rouennaise pour se réfugier à Monflanquin, dans le Lot-et-Garonne, car, dit-elle, Thierry Tilly lui a révélé qu’elle était menacée – comme tous les Védrines – par un complot des francs-maçons. Me David réalise un audit financier du cabinet médical de Charles-Henri de Védrines, alors gynécologue bordelais en vue. Bref, il gravite autour de la famille aristocratique que, selon l’accusation, Thierry Tilly est en train de dépouiller méthodiquement, mais sans jamais, jure-t-il, intervenir dans la gestion de leur patrimoine. Le prévenu, évidemment, prétend le contraire, affirmant que c’est le témoin qui avait également conseillé aux Védrines de ne plus payer leurs impôts, ce qui leur vaudra une saisie. Vincent David s’étrangle avec des accents d’honnête homme: «Quoi, moi, un avocat, conseiller à des gens de ne pas payer leurs impôts?»

L’épouse de Vincent David est issue d’une famille dotée d’un important patrimoine immobilier: M. Tilly s’y intéresse de manière tellement pressante que c’est elle qui le congédiera de manière définitive. Me David n’entendra plus parler de lui – une fois cependant qu’il aura réglé une ardoise de quelque 30.000€ de loyers impayés, car il s’était porté caution de l’«ami» d’autant plus ingrat qu’il l’avait hébergé chez lui pendant plusieurs semaines quand il n’avait pas de logement.

Comment Thierry Tilly se porte-t-il, au troisième jour de son procès? Il est en pleine forme. Ce mercredi, il dévoile au tribunal quelques aspects méconnus de sa généalogie. Sa mère – qui aurait été sélectionnée pour les Jeux olympiques en patinage artistique si elle ne lui avait pas donné le jour à 15 ans – descend des Habsbourg en ligne directe. Sa grand-mère, cousine de Vaclav Havel, fut mannequin. Son grand-père, issu de la plus prestigieuse noblesse bretonne, résistant intrépide, sauva – entre autres – des nazis les parents d’Anicet Le Pors et de Louis Le Pensec. Liliane Bettencourt avait d’ailleurs glissé à M. Tilly que s’il avait besoin de quoi que ce soit, il n’avait qu’à l’appeler. Voilà qui doit mettre du baume au cœur de la partie civile: il n’est pas donné à tout le monde d’être dépouillé par le prétendant au trône de l’empire austro-hongrois. La présidente Marie-Elisabeth Bancal, elle, rappelle sa majesté à l’ordre: «Ne saoulez pas le tribunal, M. Tilly.»

Source : Le Figaro du 26/09/2012

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