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Charente Libre : Le gourou de Monflanquin devant la justice

Charente Libre : Le gourou de Monflanquin devant la justice

Publié le : 21/09/2012 21 septembre sept. 09 2012

Accusé d’avoir manipulé et dépouillé une famille d’aristocrates, Thierry Tilly sera jugé à Bordeaux en septembre. Ce fait divers pourrait inspirer un projet de loi à la rentrée parlementaire.

Vu de l’extérieur, ce dossier n’est pas évident à comprendre.» Me Daniel Picotin, l’avocat bordelais qui a contribué à arracher les «reclus de Monflanquin» (Lot-et-Garonne) aux griffes de leur gourou, mesure combien l’affaire qu’il a faite exploser après huit ans d’un combat acharné échappe au sens commun. Le tribunal correctionnel de Bordeaux, devant lequel Thierry Tilly et son complice Jacques Gonzalez comparaîtront à compter de lundi, va tenter de démonter la mécanique implacable qui a conduit une famille socialement intégrée, fortunée et cultivée à basculer dans l’irrationnel.

Enfer volontaire

Le noyau dur des Védrines est composé de la grand-mère, Guillemette, et de ses trois enfants: Philippe, Charles-Henri et Ghislaine. Le drame se noue un jour de l’année 1999 quand Thierry Tilly, âgé de 37 ans et gérant d’une société de prestation de services, rencontre Ghislaine, la fille, qui vient de reprendre une école privée parisienne en difficulté. Fin 2001, pendant les fêtes de Noël, Guillemette, Philippe et sa compagne Brigitte, Charles-Henri, sa femme Christine, leurs enfants Guillaume, Amaury et Diane ainsi que Ghislaine et ses enfants François et Guillemette, se retranchent avec Thierry Tilly dans leur château Martel à Monflanquin.

Pour les Védrines, l’enfer commence sans qu’ils n’en aient conscience au départ. Alertée dès 2002 par le mari de Ghislaine, Jean Marchand, rejeté hors de la famille sous les ordres de Tilly, la justice auditionne Charles-Henri et Ghislaine de Védrines, qui assurent que leur vie recluse est volontaire. Première alerte pour Tilly, qui fait émigrer les «reclus de Monflanquin» à Oxford en Angleterre entre 2007 et 2008. Il leur fait vendre le château familial ainsi que l’ensemble de leur patrimoine, estimé à 4,5 millions d’euros.

Au bénéfice d’une obscure fondation dirigée par le deuxième homme de la machination montée par le gourou, Jacques Gonzalez. Un homme mystérieux que les Védrines ne verront jamais, mais que Thierry Tilly présente comme son «patron». Leur fortune liquidée, Thierry Tilly contraint plusieurs membres de la famille à travailler. Diane vendra des glaces, Christine cuisinera dans un pub, Charles-Henri sera jardinier dans un manoir. L’argent et les pourboires sont confisqués.

L’erreur du gourou

Saisi de l’affaire en mars 2004 via Jean Marchand, Me Daniel Picotin, ancien député et président d’Info sectes Aquitaine, avocat des enfants Védrines aux côtés de Me Benoît Ducos-Ader, va profiter d’une erreur du gourou. «Il avait rendu ses papiers d’identité à Christine pour qu’elle puisse travailler. Le patron du pub où elle officiait lui ayant ouvert les yeux, elle me contacte depuis Oxford pour déposer plainte.»

À la suite d’une opération commando, Me Picotin et l’équipe constituée par ses soins «exfiltre» Christine de Védrines en mars 2009, puis le reste de la famille. Thierry Tilly sera interpellé en Suisse. Aux juges qui instruisent l’affaire, Christine de Védrines détaillera les sévices que le gourou lui a fait subir pour lui faire «cracher» les codes de ses cartes bancaires.

«Tilly a fait du cousu main, tente d’expliquer Me Daniel Picotin. Il a adapté son discours à chaque membre de la famille, usant même de souvenirs induits pour manipuler ses victimes. Diane a été jusqu’à accuser sa mère d’attouchements sexuels! Sa structure psychique est celle d’un prédateur.»

Un prédateur aux propriétés mnésiques hors du commun, capable de détecter intuitivement la psychologie de son interlocuteur. Détenu à la maison d’arrêt de Gradignan en Gironde, il est mis en examen pour abus de faiblesse et violences volontaires sur la personne de Christine de Védrines. Les juges d’instruction ont requalifié les chefs initiaux d’escroquerie, extorsion de fonds, séquestration accompagnée d’actes de barbarie, aujourd’hui abandonnés. La justice reste en effet en partie démunie pour réprimer les agissements des gourous. Pour tenter de remédier aux failles du droit relatives à la manipulation mentale, Me Daniel Picotin a rédigé un manifeste, publié par le Centre contre les manipulations mentales (CCMM), qui sera soumis à l’automne aux députés.

Source : Charente Libre du 21/09/12

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