Arrestation d’un «gourou» ayant ruiné une famille
Publié le :
10/11/2009
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Arrêté en Suisse, le mystérieux Thierry Tilly a été écroué en France. Il est accusé d’avoir endoctriné et dépouillé onze membres d’une famille aristocratique du Lot-et-Garonne.
Il y a plus de dix ans, les Védrines incarnaient une grande lignée aristocratique protestante établie dans le Lot-et-Garonne. Désormais, le nom de cette famille, aujourd’hui ruinée, est associé à une stupéfiante affaire d’emprise mentale. Durant plusieurs années, onze de ses membres sont tombés entre les mains d’un gourou présumé, Thierry Tilly, écroué depuis la fin du mois dernier à Gradignan. Arrêté en Suisse, ce dernier a été mis en examen par un juge bordelais pour «escroquerie, abus de faiblesse, extorsion de fonds, séquestration avec actes de torture et barbarie».
Le lent naufrage de cette famille a démarré en 1997. Thierry Tilly, qui se dit à cette époque responsable d’une société de nettoyage industriel, parvient à s’introduire dans l’école de secrétariat à Paris que dirige Ghislaine de Védrines, sa première victime présumée. Il se rend vite indispensable auprès de cette femme, mariée et mère de deux enfants. Mais l’homme, selon les premiers éléments de l’enquête, ne vise pas que cette proie. Il veut atteindre le large cercle familial et les biens qui vont avec. Le château de Monflanquin dans le Lot-et-Garonne, les meubles familiaux et les comptes bien garnis des Védrines qui tous offrent de belles situations.
Ainsi, Charles-Henri de Védrines, frère de Ghislaine, qui avait goûté à la politique en figurant sur la liste d’Alain Juppé lors des municipales de 1995, était gynécologue à Bordeaux. Son frère Philippe, était, quant à lui, cadre d’une compagnie pétrolière. Et il y a Guillemette de Védrines, la mère de ces trois grands enfants qui, à 89 ans, veille sur le patrimoine familial. Rapidement, Thierry Tilly aurait asservi tout ce petit monde, ainsi que les épouses respectives et les enfants. Soit au total onze personnes qui ont vécu sous la férule de ce mystérieux personnage. «Trois générations se sont ainsi retrouvées sous l’emprise de ce gourou présumé», relate Me Daniel Picotin, l’avocat de la famille.
En 2001, une étape supplémentaire est franchie, affirme l’avocat : Thierry Tilly parvient à couper du monde les Védrines qui vivent claquemurés dans leur château. Cette année-là, encore, les «reclus de Monflanquin» rejettent l’un des leurs : l’époux de Ghislaine, Jean Marchand. «Quand j’ai rencontré Thierry Tilly, il m’a dit qu’il était agent secret et je ne l’ai évidemment pas cru», explique ce dernier qui dès lors devient le spectateur impuissant de la destruction des siens. «Mon épouse a donc rejoint tout d’abord cet homme puis ce fut le tour de mes deux enfants», raconte cet ancien journaliste qui pêle-mêle livre des souvenirs aussi terrifiants que douloureux.
Exode à Oxford
Ce sont tout d’abord ses proches qui, aux prises avec d’improbables croyances, cherchent désespérément la société de l’Équilibre du monde. Ce sont aussi ses enfants qui, dans une lettre, l’appellent «Monsieur». C’est encore sa femme qui le traîne en justice et l’accuse d’appartenir à une secte.
En parallèle, le patrimoine des Védrines part en fumée. Les meubles sont saisis, le château est vendu. Au total, l’équivalent de 3 millions d’euros disparaît. C’est alors le repli dans une bâtisse voisine puis l’exode à Oxford où s’est installé Thierry Tilly. Toutefois, entre-temps, trois membres du clan sont parvenus à se défaire de cette emprise. En février 2008, Philippe de Védrines et sa compagne décident de ne pas franchir la Manche. Puis, en mars dernier, l’épouse de Charles-Henri regagne la France et dépose plainte. Une action en justice qui relancera l’enquête. «Nous sommes mal outillés pour combattre le phénomène sectaire. Il faut attendre qu’une victime dépose plainte pour que la machine judiciaire se mette en route», déplore Me Picotin.
À ce jour, l’affaire est loin d’être bouclée, pour Jean Marchand. Certes le gourou présumé est derrière les barreaux mais les siens sont prisonniers de leur vie en Grande-Bretagne. «Je sais que mes enfants travaillent dans des restaurants. Ils versaient l’essentiel de leur salaire à Thierry Tilly. Quant à ma femme, elle s’occupe de sa mère gravement malade», explique-t-il. Cet homme esseulé redoute de revoir les siens. «On les a formatés d’une certaine manière et on ne les déformatera pas si facilement», sait-il déjà. Toute une vie est à refaire.
Source : Le Figaro.fr
Par Angélique Négroni
Historique
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