Reclus de Monflanquin : il menait la belle vie avec l’argent des Védrines
Publié le :
02/10/2012
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Pendant dix ans, Jacques Gonzalez a mené grand train. Il a reçu 1,5 million d’euros issus du patrimoine de cette famille d’aristocrates.
Assis dans un fauteuil roulant, Jacques Gonzalez, tempes grisonnantes et voix monocorde, n’est plus que l’ombre de ce qu’il a été. Ce retraité de 65 ans est amputé des deux jambes. Poursuivi pour complicité et recel d’abus de faiblesse, le tribunal l’a dispensé d’assister à la première semaine du procès. Eu égard à sa santé dégradée, la présidente Marie-Élisabeth Bancal prend d’ailleurs soin de suspendre l’audience toutes les deux heures, pour qu’il puisse récupérer.
Gonzalez ! Pendant des années, les Védrines ont eu l’interdiction de prononcer ce nom. Trois syllabes entourées d’un halo de mystère qui inspiraient la crainte. Quand il évoquait ce personnage, Thierry Tilly, le gourou présumé, parlait du « patron des services ». Que ce soit à Monflanquin ou à Oxford, les lieux où ces aristocrates ont vécu coupés du monde pendant huit ans, il n’était pas question de prendre à la légère les ordres venus de cet inconnu.
Tétanisée
Ghislaine de Védrines a été la seule de la famille à le rencontrer, lors d’un dîner à Londres. Elle en garde un souvenir effroyable. Ce soir-là, Thierry Tilly, d’ordinaire péremptoire, est étonnamment silencieux. « Jacques Gonzalez a passé son temps à dire des horreurs sur ma famille, affirmant même que ma sœur décédée quelques années plus tôt avait été assassinée par mon beau-frère. Je suis revenue à l’hôtel tétanisée. »
L’expert psychiatre Patrick Petit, qui a pris quelques libertés avec sa mission, le décrit comme « trop poli pour être honnête ». Célibataire et sans enfants, d’un abord plutôt distant, Jacques Gonzalez a fait carrière dans l’automobile jusqu’au milieu des années 1990. Après une longue période de chômage, il disparaît des écrans radar du fisc et prend la présidence d’une fondation à visée humanitaire enregistrée au Canada, la Blue Light Foundation. Jacques Connan, un médecin français radié par son ordre pour avoir développé des traitements anticancéreux peu orthodoxes, est alors son bras droit.
Coquille vide
La fondation porte des projets pharaoniques : construction d’un hôpital en Chine, acquisition de mines à ciel ouvert, achat de luzerne à grande échelle pour lutter contre la malnutrition… Aucun ne verra le jour. « Le temps n’a pas joué pour nous », déplore Jacques Gonzalez. Comme certains collectionneurs, il a cru que les bons aux porteurs émis par des sociétés de chemin de fer au XIXe siècle auraient pu convaincre les banques de financer ses entreprises. Il détient toujours plusieurs centaines de ces vieux titres qui ne valent pas la moitié d’une queue de cerise.
Pendant dix ans, il n’a vécu que de la manne des Védrines. Régulièrement, Thierry Tilly lui adressait des espèces à Paris par porteur spécial. Les deux hommes se sont rencontrés au moment où la Blue Light Foundation sortait de sa coquille. « Il m’a été présenté par un ami, raconte Jacques Gonzalez. Il avait des connaissances bancaires, juridiques et informatiques. Il pouvait m’aider. Il me parlait beaucoup de la famille Védrines. Mais cela ne m’intéressait pas. »
Difficile à croire ! Les vérifications effectuées par les enquêteurs de la police judiciaire toulousaine démontrent qu’il a empoché près de 1,5 million d’euros. Soit le tiers du patrimoine dont la famille Védrines s’est dépouillée, sous l’influence de Thierry Tilly. Voitures de luxe, voyages aux quatre coins du monde, Rolex, compagne, costumes sur mesure commandés chez l’un des meilleurs tailleurs de la capitale… Jacques Gonzalez ne marchait qu’au cash. Plutôt que de verser les fonds sur les comptes de la fondation, il les conservait dans plusieurs coffres-forts.
« Je pensais que les Védrines étaient généreux, un peu dans l’esprit de ces vieilles familles françaises. Je me suis trompé, lâche-t-il. Si Thierry Tilly m’avait dit ce qu’il faisait, je n’aurais pas accepté. La fondation ne pouvait pas démarrer sur des bases aussi négatives. »
Son avocate, Me Frédérique Dantin, pourra-t-elle plaider la bonne foi de son client, en fin de semaine ? Hier, la présidente Marie-Élisabeth Bancal lui a en tout cas singulièrement compliqué la tâche en faisant état d’une écoute téléphonique où l’homme-orchestre de la Blue Light Foundation s’emporte : « J’en ai plein le cul de ces gens ! Je veux que le fric rentre. ! Exécution ! »
Source : Sud Ouest du 02/10/12
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