Montendre/Tribunal de Saintes : Stan Maillaud, « le zorro blanc des femmes divorcées » devant la justice ainsi que Sandrine Gachadoat qui avait enlevé ses enfants Léa, Tony et Andy en 2008
Publié le :
09/05/2019
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Jeudi 30 août, six prévenus étaient appelés à comparaître à la barre du Tribunal de Saintes pour « association de malfaiteurs en vue de la préparation d’enlèvement de mineurs ». Seuls Jérémy Lehut et Christophe Borja avaient répondu à la convocation. Ces deux hommes ont aidé leur « patron » Stan Maillaud – ancien gendarme s’étant donné la mission de démanteler « les réseaux pédophiles sataniques » – à poursuivre des enquêtes sur d’éventuels abus d’enfants. Curieusement, l’une de ces affaires concerne Montendre. En effet, fin 2008, Sandrine Gachadoat avait mystérieusement disparu avec ses trois enfants Léa, Andy et Tony, dont la garde avait été confiée à leur père domicilié dans cette commune. Lequel les avait retrouvés deux ans et demi plus tard. Voulant à nouveau les récupérer, elle avait alors fait appel au fameux Stan Maillaud pour l’y aider durant l’été 2012. Dans le but d’un nouvel enlèvement ? La question était au centre du procès.
Certaines affaires, de par leur complexité, pourraient inspirer un film ou un roman. Celle que jugeait le TGI de Saintes jeudi dernier en fait incontestablement partie. Pour mieux comprendre cette histoire peu banale, revenons sur la chronologie des faits :
En décembre 2008 à Montendre, trois enfants disparaissent. Léa, Andy et Tony sont enlevés par leur mère Sandrine Gachadoat
Le Noël a été triste. Johann, père de Léa, Andy et Tony, respectivement âgés de 9, 8 et 2 ans, ignore toujours où sa femme – dont il est séparé – a emmené ses trois enfants, disparus depuis le 14 décembre 2008.En 2006, à la naissance de leur dernier fils, Tony, les relations du couple se sont dégradées. Les trois enfants sont alors devenus l’enjeu des préoccupations : qui s’occuperait d’eux ? En 2007, une procédure de divorce est ouverte. Johann obtient leur garde, tout en cherchant à se rapprocher de ses parents domiciliés à Montendre, dans le Sud de la Charente-Maritime. En 2008, une mutation à Montlieu la Garde lui permet de scolariser Andy et Léa au groupe scolaire de la cité des pins. Leur mère obtient un droit de visite le dimanche. En fin d’année, les choses se compliquent. Début décembre, Johann se trouve dans l’obligation de récupérer ses enfants à l’hôpital de Libourne et d’appeler son avocate : « Les enfants ont été conduits à l’hôpital par leur mère alors qu’aucun d’eux n’avait été victime d’un accident ou ne s’était blessé. J’ai dû faire valoir mon droit de garde pour les ramener à la maison » se souvient-il. Le 14 décembre, les enfants, qui sont alors chez leur mère, ne rentrent pas. Leur père s’inquiète.
Plus de nouvelles. Une enquête de gendarmerie est ouverte et, le temps passant, un comité de soutien est créé. Johann ne reverra ses enfants que deux ans et demi plus tard. Motif invoqué par la mère, Sandrine Gachadoat, pour expliquer son geste : Léa aurait subi des attouchements sexuels par sa grand-mère et son père… Lesquels s’indignent et s’en défendent, de même que l’enfant censée être la victime. L’affaire est classée sans suite, les experts estimant que la mère est victime de « bouffées délirantes ». D’abord placée en garde à vue, elle est transférée à la maison d’arrêt de Saintes, puis dirigée vers l’unité psychiatrique du CH dans le cadre d’un placement d’office. Elle quitte l’établissement au bout de deux mois et disparaît dans la nature. Manifestement, elle n’a jamais pris son traitement.
Août 2012
Son sentiment est d’être une mère abandonnée, privée de ses enfants. C’est alors qu’elle échafaude un nouveau scénario d’enlèvement en faisait appel à Stan Maillaud, à la tête d’une association de « lutte contre les réseaux pédophiles sataniques ». Une surveillance de la maison paternelle montendraise est organisée en 2012. Les intéressés ne se rendent compte de rien. « Je me souviendrai toujours de l’appel de ce gendarme me disant qu’on avait trouvé, dans la région de Besançon, un carnet où il était question de mes petits-enfants et d’un certain Stan Maillaud qui m’était inconnu. C’était totalement stupéfiant et angoissant, nous qui avions traversé tant d’épreuves. A croire que cela n’en finirait jamais » confie aujourd’hui la grand-mère de Léa.Jeudi 30 août TGI de Saintes
Après une longue enquête, le procès peut donc se dérouler. Sur les six prévenus (Stan Maillaud, sa compagne Janett Seemann, Sandrine Gachadoat, Sylvie Peilleron), seuls sont présents Jérémy Lehut et Christophe Borja. Ils sont accusés d’avoir participé à un groupement dont l’entente est établie en vue de la préparation d’enlèvement de mineurs, crime qui peut être lourdement sanctionné.Alors que l’audience a commencé, des « amis de Stan Maillaud et de Sandrine Gachadoat » arborent des banderoles et contestent la procédure judiciaire. La présidente, Claire Liaud, garde son calme et demandent aux manifestants de sortir (vu les nombreuses forces de l’ordre, elle devait s’y attendre).
Christophe Borja : « je voulais bien aider »
Le calme revenu, les débats se poursuivent par l’audition de Christophe Borja, travailleur handicapé « depuis une chute de manège ». Dans la région de Valence, il a déjà été condamné pour usage de stupéfiants et autres débordements. Il admet « qu’il a l’alcool mauvais » tout en expliquant au procureur « que son comportement n’est pas antisocial ». A la barre, il n’en mène pas large. Tout comme Jérémy Lehut, il vit modestement et a trouvé en l’ancien gendarme Stan Maillaud un homme convaincant qui s’intéresse à lui et lui confie des missions. Il sera donc chargé de surveiller le domicile du père des enfants de Sandrine Gachadoat à Montendre, de relever les numéros des plaques minéralogiques « des véhicules louches ou de luxe », de noter les allées et venues.Pourquoi accepte-t-il ce job sans sourciller ? « J’ai vu les émissions d’Elise Lucet et de Karl Zéro sur les réseaux pédophiles. Je pensais que c’était possible. Je croyais ce que disait la mère et je voulais bien aider ».
Il a connu Stan Maillaud sur internet, puis l’a rencontré à Bordeaux. « Il m’a indiqué qu’il y avait une affaire sur Montendre et m’a demandé de la suivre à sa place car il craignait de s’être fait repérer ». Il s’exécute du 16 au 21 août avant de plier bagage, aucun détail suspect n’ayant attiré l’attention. En septembre, il est appelé dans un autre département. C’est à l’occasion d’un contrôle routier qu’il est arrêté dans la région de Besançon avec Stan Maillaud à bord d’un véhicule utilitaire. Ce dernier prend la fuite en abandonnant deux cahiers consignant, entre autres, les « planques » qui vont servir à la justice.
- Un véhicule utilitaire, c’est pratique pour enlever des enfants ? » remarque la présidente. Christophe Borja se défend : « je n’ai jamais pensé à enlever des enfants. Je ne vais pas bousiller ma vie. Je n’aurais jamais participé à cela ». Et d’ajouter : « j’ignorais s’il y avait une préparation de kidnapping. Dans ses propos, Stan s’en prenait généralement à la justice, aux élus, à la police ». A noter que Stan Maillaud était déjà sous le coup d’un mandat d’arrêt délivré en mars 2009 par le tribunal correctionnel de Perpignan. Il l’avait jugé et condamné, en son absence, à un an de prison ferme pour « soustraction d’enfant »…
Stan Maillaud : « Il ne vient pas sur son cheval noir se présenter dans la salle d’audience ! » lance Claire Liaud, présidente
Courageux mais pas téméraire ? Agé de 50 ans, ce personnage « ombrageux » serait au Vénézuela avec sa compagne Janett Seemann. Gendarme, parachutiste, garde du corps, patron d’une société de surveillance, il a bourlingué de par le monde avant de créer une cellule de lutte contre la pédocrimanilité des notables. Ayant échappé aux interpellations, il fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen pour avoir enlevé, à la demande des mères, des enfants qui auraient été victimes d’actes de pédophilie. Très présent sur les réseaux sociaux, il n’est pas avare de commentaires (Réseaux de l’horreur) et d’expressions sur YouTube.Il a en ligne de mire l’ancien procureur de Saintes, Philippe Coindeau qui, en 2012, a mis plusieurs personnes de son cercle en examen, dont Janett. Travaillant dans une banque en Allemagne, cette dernière a tout abandonné en 2007 pour suivre l’ancien militaire et lui aurait consacré ses économies.
Lors de la surveillance de 2012 à Montendre, Léa a été approchée par Janett dans la cour de l’école. Elle lui fait croire qu’elle a perdu son chien. Une conversation s’engage où elle se présente comme étant l’amie de sa mère. Elle espère recueillir des confidences de Léa qui ne donne pas suite aux insinuations : elle n’a jamais été victime d’attouchements sexuels, ni de sa grand-mère, ni de son père. Pourquoi la harceler, elle qui a vécu en errance avec sa mère durant plus de deux ans, parfois dans une yourte, sans hygiène et n’allant plus à l’école ? Elle a longtemps gardé le silence afin de ne pas dramatiser la situation : « ma mère nous avait dit qu’elle préférerait nous tuer plutôt que de nous rendre à notre père » a-t-elle avoué aux enquêteurs. Elle craint les réactions de sa mère « souvent couchée, perturbée, criant. Si j’avais pleuré devant elle, elle ne l’aurait pas pris tranquillement » dit-elle. Dans ces conditions, on comprend qu’elle puisse redouter une nouvelle intervention maternelle, c’est-à-dire un autre enlèvement. En 2012, elle est consciente que quelque chose d’anormal se passe autour d’elle.
Finalement, n’obtenant rien de palpable, Stan Maillaud laisse tomber. Il met fin à l’acte I avant, qui sait, d’envisager l’acte II, c’est-à-dire de mettre « les enfants à l’abri » quitte à utiliser des méthodes spartiates si des membres de la famille s’y opposent. Par exemple « séquestrer les adultes, prendre la maison d’assaut, voire y chercher de l’argent pour agir »…
Jérémy Lehut : « Pour moi, Sandrine Gachadoat avait un discours incohérent »
Arrêté avec Janett Seemann dans une voiture qui possédait de fausses plaques d’immatriculation, il est sensible au sujet de la pédophilie car « ses deux sœurs auraient été abusées par un ami de ses parents ». Pour lui, Stan Maillaud est « un enquêteur non officiel » avec qui il a accepté de travailler et d’opérer des vérifications. Sans boulot, il a ainsi trouvé un « emploi » dont il ignorait qu’il le mettrait en fâcheuse posture : « il ne m’a jamais parlé de rapt d’enfants ». A l’époque, il rencontre Sandrine Gachadoat qui veut récupérer les siens à tout prix, la voie juridique n’ayant pas abouti. « J’ai rapidement compris qu’elle avait un discours délirant, incohérent. Elle avait déjà enlevé ses enfants une fois, récidiver était un peu fou ! J’ai senti qu’elle avait un problème ». Selon le procureur, il n’en reste pas moins que Jérémy Lehut semble partager les idées de Stan Maillaud. Son avocate, Mme Fruchard-Laurent, monte au créneau pour établir un distinguo entre les idées et le passage aux actes.Autre prévenue, Sylvie Peilleron, responsable d’une société d’horticulture à Saint-Remy en Rollat. Défendue par Me Laurence Saurant, elle est accusée d’avoir hébergé Stan Maillaud et Janett Seemann à qui elle a prêté un véhicule. Son absence du Tribunal est liée à des contraintes professionnelles (partie au Danemark à la recherche de sapins pour les fêtes de fin d’année).
Mathieu Auriol, procureur : « ce procès n’est pas une messe noire »….
Dans sa plaidoirie, Me Daniel Picotin, défenseur de Yohann et ses enfants (Léa est aujourd’hui majeure), souligne qu’en plus de trente ans de carrière, il a rarement eu à plaider une affaire aussi douloureuse pour une famille et retentissante sur les réseaux sociaux où la justice est prise pour cible. En réponse « aux bras cassés présents devant le palais de justice en soutien à Stan Maillaud », il s’interroge sur le soi-disant « complot » que couvrirait la justice : « Quel complot ? Certains, dénonçant une dérive de la société, veulent se substituer aux pouvoirs publics et le passage à l’acte ne leur fait pas peur ».Il rappelle l’enlèvement des enfants fin 2008 : « leur père était anéanti. Il a failli en mourir ». Pourquoi Sandrine Gachadoat, son ex-épouse, n’est-elle pas venue à la barre ? Elle aurait pu expliquer ses motivations : « C’est elle qui est au centre de cette affaire et cette fois, contrairement à la précédente, elle a été jugée apte à la réponse pénale par les experts. Quand il a découvert la surveillance dont il avait fait l’objet à son insu, le père des enfants était en colère. Maintenant il est dans la crainte car il ignore ce qui peut encore se tramer contre lui et ses proches ».
Pour Me Sainte-Croix qui craint la relaxe, Christophe Borja et Jérémy Lehut portent leur part de responsabilités : « ils ne sont pas aussi innocents qu’ils veulent le faire croire ».
« Nous sommes tous contre la pédophilie. Ce procès n’est pas une messe noire, mais l’expression de la démocratie, en toute transparence » enchaîne Mathieu Auriol. Le procureur fait allusion aux accusations portées par Stan Maillaud contre les acteurs du monde judiciaire en général, accusés de taire « les agissements de notables au sein de réseaux pédophiles ». Ajoutons-y une note « satanique », une odeur de « franc-maçonnerie » et la boucle est bouclée… De quoi choquer gravement magistrats et avocats qui ne se voyaient pas dans des rôles aussi déplaisants.
« Dans cette affaire, nous sommes face à une alchimie, un cocktail Molotov où chacun occupe une place différente. Stan Maillaud, personnage charismatique qui impressionne son entourage, sorte de gourou, avec à ses côtés des naïfs exaltés en quête d’action, des femmes sous influence et une mère cabossée par la vie. Chacun a apporté sa pierre au dossier que nous jugeons aujourd’hui ».
Il rappelle la dure période traversée par Léa, Tony et Andy « durant plus de deux ans avec une mère dérangée. A-t-on pensé au traumatisme de ces gamins qui doivent construire leur avenir ? A leur père ? à leur famille ? Nous ne sommes pas face à une bande organisée, mais à une association de malfaiteurs, chaque membre en contact ayant eu ou non connaissance des actes en préparation ». Après une longue argumentation, Mathieu Auriol s’adresse à Christophe Borja et Jérémy Lehut : « Réveillez-vous ! Ne soyez pas crédules ! » En clair, évitez dorénavant de vous placer dans des situations qui vous conduiront devant un juge…
Avocate de Jérémy Lehut, Me Fruchard-Laurent souligne que son client « n’a réalisé aucun acte préparatoire et n’avait nullement l’intention de participer à un enlèvement ». Me Karine Prévost plaide également l’absence d’éléments intentionnels chez Christophe Borja.
Le jugement rendu va dans le sens des réquisitions du Procureur. Jérôme Lehut est relaxé ; Christophe Borjat écope de deux ans d’emprisonnement avec sursis ; Sylvie Peilleron d’une amende de 6000 euros ; Janett Seemann (en fuite) de 3 ans de prison avec sursis ; Sandrine Gachadoat de 2 ans de prison avec sursis, mise à l’épreuve pendant trois ans, obligation de soins y compris sous forme d’hospitalisation, obligation d’établir sa résidence en un lieu précis, interdiction de se rendre en Charente-Maritime et d’entrer en contact avec les personnes condamnées, obligation d’indemniser les victimes. Stan Maillaud, qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen, est condamné à 5 ans de prison ferme.
Concernant les indemnités : les condamnés sont tenus solidairement à payer 5000 € au père des enfants ; Tony et Andy recevront 2500 € chacun, Léa 8000 €. 1500 € seront versés au titre de l’article 475-1 du CPP.
Dans cette malheureuse affaire, tout le monde a souffert, les enfants en premier lieu, le père et la grand-mère maternelle accusés de gestes déplacés purement inventés, l’entourage familial et la mère sanctionnée par la justice. Les peines prononcées par le Tribunal de Grande Instance suffiront-elles à calmer les esprits ?…
Le Tribunal s’est fait traiter de « marchand du temple » par les amis de Stan Maillaud, allant jusqu’à qualifier l’audience de « mascarade judiciaire ».
Stan Maillaud croit en l’existence d’une pédocriminalité internationale, « organisation qui serait protégée par la franc-maçonnerie, l’autorité judiciaire et le monde politique ; la police et la gendarmerie ne faisant pas leur travail ». D’où la création de son association et ses nombreux messages publiées sur internet. Actuellement en fuite, il « cumule » six ans de prison ferme en France.
Source: Blog de Nicole Bertin
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