« Reclus de Monflanquin » : le gourou présumé nie toujours les faits
Publié le :
24/09/2012
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Lors de la première journée d’audience, hier à Bordeaux, Thierry Tilly, qui nie toujours les faits, est apparu combatif et bien difficile à canaliser.
Dans la salle d’audience bien trop exiguë pour un procès de cette importance, les Védrines donnent l’image d’un pack de rugbymen. Épaules hautes, ils sont serrés les uns contre les autres sur les bancs des parties civiles. Tous réunis pour obtenir la condamnation de celui qu’ils considéraient il n’y a pas si longtemps encore comme un demi-dieu. Mais, lors de son arrivée dans le box des accusés, ils se gardent bien de le dévisager. Les mauvais souvenirs sont encore à vif. Sous son influence, disent-ils, ils ont rompu pendant près de dix ans avec leur entourage familial et professionnel pour se retirer d’abord dans leur propriété de Monflanquin, en Lot-et-Garonne, avant d’émigrer à Oxford, en Angleterre.
Seul contre tous
Thierry Tilly, le gourou présumé, poursuivi pour abus de faiblesse et séquestration d’un des membres de la famille, n’est pas homme à baisser les yeux. Sa frêle silhouette, la pâleur de ses traits et sa coiffure quasi monacale ne dessinent pas le portrait d’un deus ex machina. La force de ce quadragénaire, détenu depuis trois ans, réside dans sa parole. Les mots qui sortent de sa bouche s’écoulent comme un ruisseau intarissable. Il se sait seul contre tous mais jamais il ne se taira.
Magistrate à poigne, Marie-Élisabeth Bancal, la présidente du tribunal correctionnel, a bien du mal à affirmer son autorité. « Quand je m’exprime, vous pensez mais vous ne parlez pas », lâche-t-elle. Peine perdue. On n’en est qu’à l’interrogatoire de personnalité, mais à chaque question Thierry Tilly s’échappe sur des chemins buissonniers et s’embarque dans des récits où, des Habsbourg à Édouard Balladur, de Bernard Kouchner à François Mitterrand, sans oublier l’entraîneur de football Paul Le Guen, les personnalités les plus inattendues surgissent.
Rien n’est vérifiable. Bien que handicapé par une subite extinction de voix, Me Daniel Picotin, l’un des conseils de la famille Védrines, n’en finit pas de traquer le mensonge dans les propos du prévenu. « L’enquête a été bâclée », rétorque Thierry Tilly, qui a pourtant sous les yeux les dizaines de tomes de la procédure. « Sa perception du réel est différente, c’est tout », tranche son avocat, Me Alexandre Novion.
Mais il faut bien remettre les pieds sur terre et se colleter avec les deux questions qui taraudent les juges : pendant neuf ans, le mode de vie de ces aristocrates protestants a-t-il été librement choisi ou résulte-t-il d’un état de sujétion psychologique obtenu par des techniques de manipulation mentale ? La liquidation du patrimoine familial (5 millions d’euros) relève-t-elle d’une volonté de fraude fiscale ou d’actes préjudiciables aux intérêts de la fratrie ? Fidèle à sa ligne de défense, Thierry Tilly accuse toujours les Védrines d’avoir vendu leurs biens et transféré les fonds à l’étranger pour fuir l’impôt.
Un homme insaisissable
Difficile de retracer le parcours de ce fils d’un fonctionnaire du ministère de la Défense dont les récits mêlent à l’infini le vrai et le faux. Nul ne sait comme il est parvenu à diriger, au milieu des années 1990, plusieurs sociétés et à se lier à un avocat d’affaires parisien, Me Vincent David, qui s’en mordra ensuite les doigts. C’est par l’entremise de ce juriste qu’il rencontre à Paris Ghislaine de Védrines. Celle-ci, avec d’autres parents d’élèves, souhaite reprendre une école privée en difficulté. Le gourou présumé, qui se dit alors conseil en stratégie, l’assiste si bien que le tribunal de commerce retient son offre. L’homme est dans la place. Aussi à l’aise pour remettre en état les locaux que pour ressusciter un système informatique délabré.
Ghislaine de Védrines, un peu perdue à la tête de cette structure éducative, ne peut bientôt plus se passer de lui. Pas plus que son fils François, alors en échec scolaire. Quelques mois plus tard, Thierry viendra en aide à un neveu de Ghislaine qui ne parvient pas à se défaire du cannabis, à la grande satisfaction de la grand-mère Guillemette. On est à Monflanquin. Honneur insigne, cet homme aussi insaisissable qu’indispensable a été invité pendant les vacances dans le fief du clan. C’est là que tout va se jouer, et la raison s’égarer.
Source : Sud Ouest du 25/09/12
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