Au procès de Monflanquin, chevalières, colliers de perles et confessions
Publié le :
04/10/2012
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PROCES DE MONFLANQUIN – Sur le banc des parties civiles, ils sont invariablement assis dans le même ordre. Ghislaine et ses enfants devant, avec la cousine Diane en bout de banc. Derrière, Charles-Henri et Christine encadrent leurs deux garçons, Guillaume et Amaury, tandis que Philippe et Brigitte se serrent les coudes près du mur.
Face à eux, Thierry Tilly, jugé depuis le lundi 24 septembre devant le tribunal correctionnel de Bordeaux pour les avoir manipulés durant près de dix ans. Les dix membres (la grand-mère est morte en 2010) de la famille Védrines tiennent bon. FTVi dresse le portrait d’un clan qui affiche sa dignité malgré les difficultés qu’ils ont traversées.
Le look BCBG
Pas de méprise possible. Même ruinés, les Védrines sont chics. Sacs Lonchamp, impers Burberry et boucles d’oreilles rondes dorées, Ghislaine Marchand et ses belles-sœurs affectionnent les tailleurs-pantalons bleu marine, les jupes grises au genou, les longs gilets à boutons dorés, les colliers de perles et les ballerines vernies en alternance avec les mocassins à glands. Toutes trois arborent une coupe de cheveux semblable, brushing court discret et teinture blond cendré.
Chez ces messieurs, le costume sombre sur chemise claire est de rigueur. Ainsi que la chevalière. Philippe, l’aîné, dépasse Charles-Henri, le cadet, d’une bonne tête, mais tous deux portent la bedaine des sexagénaires bons vivants, la même mèche blanche bien peignée sur la droite, et les mêmes yeux bleu-gris marqués.
Pas de fantaisies non plus chez la génération suivante. Gilets marine ou marron sur cols roulés, pantalons beiges ou jupes strictes chez les filles. Si Guillemette a un visage lisse, un léger strabisme et une coupe à la garçonne, sa cousine Diane, nez fin et grands yeux noirs pétillants, ramasse ses cheveux châtains en un petit chignon flou. Côté cousins, le pull se porte sombre ou kaki, avec coudières, sur des chemises impeccables.
L’éducation religieuse
Ils sont tous protestants sauf Christine qui est catholique. Pas tous pratiquants au même degré, les Védrines ont donné à leurs enfants une éducation religieuse stricte. Eux-mêmes ont fréquenté des établissements confessionnels et s’appliquent à respecter les codes chrétiens. Pour tous, le mariage est une véritable institution, qui se prépare religieusement. Bien que séparé et fréquentant une nouvelle femme, Philippe ne divorce pas. Tous participent à des œuvres sociales et de bienfaisance, et les enfants rêvent de voyages humanitaires. Malgré les dissensions, les Védrines se retrouvent en famille pour les fêtes religieuses, de Noël à Pâques en passant par la Pentecôte.
Forgé par cette éducation stricte, Amaury, mal dans sa peau à 17 ans, se posait des questions sur la régularité avec laquelle il se masturbe. « J’avais l’impression d’avoir le diable au corps et une forte culpabilité intime », marmonne-t-il, embarrassé, au tribunal tout en répétant : « Je suis très croyant. » Il est si perturbé que le « gourou » le persuade qu’il a « des tendances pédophiles » et lui organise sa « pénitence ». « Bienveillance, charité, bonté, sacrifice, j’ai du mal à comprendre comment on peut dévoyer les choses à ce point », répète le jeune homme, sincèrement désorienté.
La place centrale de la famille
Ce sont « les valeurs » qui tiennent à cœur aux Védrines. « Je ne détecte pas la mauvaise foi, on ne connaissait pas ce milieu des gens pervers, pour moi quand on donne sa parole, c’est jusqu’à la mort », explique notamment Amaury à plusieurs reprises. Parmi leurs valeurs cardinales, la famille. Christine, par exemple, est surtout blessée de « ne pas avoir joué son rôle protecteur de mère ».
Pour elle, d’ailleurs, « le déclic » se fait au moment où « Thierry Tilly salit [son] père. Trop c’est trop ! » De son côté, Guillaume se souvient que Tilly l’a convaincu d’agir à ses côtés avec cet argument : « Il n’y a pas de mal à mettre son projet professionnel entre parenthèses quelques années pour aider sa famille. »
Tous les enfants insistent sur le « grand bonheur » qu’ils avaient à s’occuper de leur grand-mère. Elle est la figure de référence de toute la famille. « En obtenant les bonnes grâces de ma belle-mère, il nous avait tous, nous la vénérions », raconte Christine, la « pièce rapportée ».
La conscience de classe
Pas facile pour les Védrines de se dévoiler à la barre sous le regard un brin malsain de nombre de leurs anciens amis venus les observer. « Excusez mes mots », glisse Guillaume, « Pardon mais je vais le dire, je me suis fait ‘engueuler' », prévient Diane avant de finalement opter pour « enguirlander » le reste du récit. « Comme l’a dit papa », « j’ai été séparée de maman » : les enfants, même trentenaires, ne disent jamais « mon père », « ma mère », comme souvent dans la bonne société.
Les Védrines savent s’adapter à leur milieu. A Bordeaux, où ils participaient à nombre de tournois de bridge et autres classiques rendez-vous mondains, on dit d’eux que ce sont « des gens normaux avec une histoire et un patrimoine ». A Monflanquin, le village où ils ont un château, les habitants rencontrés par FTVi continuent de les respecter. « Bien élevés », « charmants », dit une commerçante. « C’étaient des aristos mais simples, pas de ceux qui vous donnent des leçons de morale », poursuit un autre.
Mais ce qui les divise particulièrement aujourd’hui, c’est la gestion de leur image. Si Jean et Ghislaine Marchand ne rechignent pas à répondre aux médias, cela leur vaut les foudres des autres branches, qui seraient bien restées le plus possible dans l’ombre. D’ailleurs, quand Philippe sort de l’emprise mentale de Tilly près d’un an avant les autres, il va chercher sa compagne, mais ne porte pas plainte tout de suite. Notamment de peur que l’on reparle de ce qui lui est arrivé.
A Bordeaux, Salomé Legrand.
Source : Francetvinfo du 04/10/12
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